France compétences a publié le 28 avril dernier les résultats de sa première enquête sur la mise en œuvre de la nouvelle démarche qualité portée par la certification Qualiopi. L’engagement des prestataires de formation reste motivé par l’enjeu économique, au détriment d’une logique plus pérenne d’amélioration continue.
Par Catherine Trocquemé - Le 05 mai 2021.
Dans huit mois, un organisme de formation désireux de mobiliser des fonds publics ou mutualisés devra être certifié Qualiopi. Dans le cadre de ses missions d’évaluation et de régulation, France compétences publie les résultats de son enquête qualitative sur le déploiement de la nouvelle démarche qualité portée par la réforme de 2018. Réalisée entre juin et octobre 2020 auprès d’un échantillon de prestataires de formation, de certificateurs et de financeurs, elle dresse un premier bilan de l’impact de Qualiopi. Les principaux enseignements avaient été dévoilés lors de la Matinée d’actualité organisée par Centre Inffo le 21 janvier dernier.
Le profil des pionniers
La première génération de certifiés Qualiopi est dominée par des prestataires de formation déjà familiers de la démarche qualité et dont la part du chiffre d’affaires issu des fonds mutualisés ou publics dépasse 50%. A noter, toutefois, l’engagement de quelques « nouveaux entrants ». Ces derniers anticipent la promotion de la maque Qualiopi comme critère de différentiation et de sélection sur le marché privé ou un repositionnement de leur activité sur la commande publique afin de saisir les opportunités du plan de relance. Un certain nombre de candidats à Qualiopi ont différé leur projet en raison de la crise née de la pandémie de coronavirus. Ce retard dans le déploiement de Qualiopi fait craindre aux certificateurs un goulot d’étranglement et un risque plus élevé de non-conformité de candidats moins aguerris à l’exercice de l’audit dans les derniers mois de 2021.
La question du coût
Les retardataires s’interrogent sur la stratégie à adopter entre nouer des partenariats, être absorbée par une structure déjà certifiée ou encore intervenir en sous-traitance sur les marchés exigeant Qualiopi. Le coût de la démarche Qualiopi pèsera lourd sur leur décision. Les prestataires de formation s’attendent à devoir mobiliser des ressources financières et humaines (de l’ordre de deux semaines à trois mois d’un temps plein). A cela, il faut ajouter la facture du certificateur dont les tarifs jour se situent entre 800 euros et 1 500 euros hors frais de déplacement ou de réservation d’une période d’audit. Plusieurs sondés s’inquiètent du nombre de contrôles dont ils font l’objet. De leur côté, les financeurs interrogés appréhendent la valeur ajoutée de Qualiopi et son impact sur leurs politiques d’achat et de contrôle.
Promouvoir une culture de la qualité
Reste, selon l’enquête de France compétences, un pari important à gagner. En effet, la logique d’amélioration continue inscrite dans la nouvelle démarché qualité ne s’est pas généralisée. Certains prestataires de formation voient dans Qualiopi un levier pour structurer leur activité et engager des process qualité au sein de leur organisation. D’autres, à l’opposé, la réduisent à une contrainte réglementaire et privilégient une approche court-termiste de mise en conformité. D’autres adoptent une attitude intermédiaire. A travers cet acte 2 de la qualité, la réforme de 2018 porte l’ambition d’une montée en gamme pérenne de l’offre de formation soutenue par une culture de la qualité.
L’INSCRIPTION DE LA DEMARCHE QUALITE DANS LA DUREE
L’enclenchement d’une logique d’amélioration continue constitue un axe central des intentions de la réforme29 .
Sur cette question, trois types de postures se dégagent parmi les OF enquêtés. Quelques-uns envisagent d’emblée la certification comme un levier pour structurer et formaliser leur activité, distiller des exigences qualitatives dans les différentes composantes de l’organisation, et rentrer dans un exercice collectif, irréversible et continué de conduite du changement, notamment avec les formateurs30 .
A l’opposé de ce modèle, certains appréhendent l’obtention de la certification dans une logique court-termiste de mise en conformité passive, comme une opération ponctuelle et une finalité en soi. En termes de justification, ils invoquent le plus souvent un problème de moyens et de capacité à faire31 .
Entre ces deux approches antagonistes, on distingue une position intermédiaire et sélective portée exclusivement par quelques CFA. Ces derniers affichent une intention explicite de globalement faire vivre le référentiel dans la durée, tout en émettant des réserves sur trois indicateurs qui les interpellent au regard de la finalité éducative de leurs formations 32 , ou qu’ils anticipent comme difficilement praticables en raison de causes exogènes à leur établissement33 .
L’ensemble des constats mis en exergue par cette enquête invitent les décideurs publics et paritaires à poursuivre et renforcer les actions d’information, de sensibilisation et d’accompagnement des OF, mais aussi peut-être à enrichir les messages véhiculés par la communication institutionnelle. Celle-ci s’articule principalement autour de deux pôles : l’éligibilité aux fonds qui pose Qualiopi comme une exigence à respecter et met l’accent sur l’échéance calendaire ; la mise à disposition d’une documentation, par ailleurs très appréciée par ses utilisateurs, sur les modes opératoires34 .
Dans l’optique de sécuriser une montée en gamme pérenne de l’offre de formation, il pourrait ainsi être pertinent, parallèlement aux volets règlementaire et technique, de promouvoir davantage la certification sous l’angle de l’opportunité qu’elle représente pour les OF de mesurer les résultats de leur activité, d’impulser une dynamique d’amélioration globale de leurs pratiques et de l’inscrire dans la durée
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