Plusieurs décisions de justice récentes nous donnent l’occasion de rappeler les conditions de licéité du recours à la sous-traitance et des risques encourus par le donneur d’ordre à défaut de les respecter. Plus de cinq millions de formations sont sous traitées chaque année. Le recours à la sous-traitance est fréquent mais en nette diminution. En 2021, 14 % des organismes de formation ont recours à la sous-traitance (contre 24,6 % en 2018). La sous-traitance est particulièrement présente parmi les organismes publics et parapublics : près de 30 % y ont recours. Elle est plus rare parmi les formateurs individuels : seulement 5,5 % d’entre eux y ont recours en 2021. Ces derniers jouent cependant fréquemment le rôle de sous-traitant pour un autre organisme. En 2021, 60 % des formateurs individuels ont ainsi travaillé pour le compte d’un autre organisme (Jaune budgétaire 2023, p. 187). Comprendre les règles qui régissent le recours à la sous-traitance est un donc un enjeu, non seulement pour les organismes de formation qui y ont recours mais également pour ceux qui interviennent en qualité de sous-traitant. Une décision de la Cour de cassation en date du 18 janvier 2023 (Cass. Soc. 18 janvier 2023, n°20-16.807), bien qu’elle ne concerne pas le secteur de la formation, rappelle utilement que « l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle ». Il s’en déduit que le juge, saisi d’une demande en requalification d’un contrat de sous-traitance, doit rechercher l’existence d’un lien de subordination. Ce dernier est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Pour caractériser le lien de subordination, les juges relevaient que le pseudo-sous-traitant était « sous la dépendance économique [des sociétés] pour lesquelles il travaillait à titre exclusif sans pouvoir développer une clientèle personnelle« . Contrairement à une idée répandue, aucun texte ne fixe de pourcentage maximum de chiffre d’affaires à réaliser avec le même organisme de formation pour éviter les risques de requalification. Ce qui est nécessaire, et suffisant, c’est que le sous-traitant dispose d’une clientèle, c’est-à-dire concomitamment d’au moins deux clients. L’existence d’un fonds de commerce dépend en effet de l’existence d’une clientèle propre. Encore faut-il avoir la possibilité de développer ladite clientèle. Si le rapport de dépendance, économique ou juridique, est trop lourd, le sous-traitant ne pourra pas créer son activité propre et développer sa clientèle. Un organisme de formation ne saurait limiter les risques en demandant au micro-entrepreneur le pourcentage de chiffres d’affaires qu’il réalise pour son compte. La seule règle à retenir est que le fonds de commerce ou le fonds artisanal n’existe pas si le sous-traitant travaille pour un donneur d’ordre unique et donc pour un client unique (article L8232-1 du Code du travail). De plus, ce critère de « dépendance économique » est inopérant dans le cadre du contentieux de la requalification : l’indépendance économique n’exclut pas la reconnaissance de la dépendance juridique, à savoir l’existence d’un lien de subordination. On retiendra également que pour caractériser l’existence du pouvoir de sanction, les juges relèvent que les sociétés ont « fait usage de leur pouvoir de sanction en mettant fin à la relation contractuelle ». Une fois prononcée, la requalification fait surgir une autre interrogation : celle du rappel de salaire. Sur quelle base doit-il être calculé ? Dans la décision du 18 janvier 2023, la Haute cour approuve les juges du fond « d’avoir reconstitué, au regard des pièces du dossier, la rémunération [que l’intéressé] aurait perçue s’il avait effectivement été salarié des sociétés« . Il convient donc de ne pas fixer le salaire au regard des honoraires réglés en exécution des contrats de prestation de service requalifiés. On retiendra que les juges apportent une précision supplémentaires : les juges peuvent décider « qu’eu égard aux fonctions qu’il exerçait, [l’intéressé] était en droit de percevoir une rémunération supérieure aux minima conventionnels ». Dans une décision du 2 février 2022, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de préciser que la requalification d’un contrat de sous-traitance en contrat de travail ne permet pas de considérer que les stipulations par lesquelles les parties ont fixé un taux horaire par heure travaillée au titre d’une prestation de service correspondent au salaire horaire convenu. En l’absence d’autres éléments permettant de caractériser un accord des parties sur le montant de la rémunération, le salaire de référence doit être déterminé en considération des dispositions de la convention collective applicable (Cass. Soc. 2 février 2022, n°18-23.425).
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