Dans son arrêt n°440021 du 19 février 2021, le Conseil d’État a rendu une décision importante sur la pratique de « micro-kinésithérapie » ainsi que sur les prérogatives du Conseil national dans sa mission de garant de la qualité et de la sécurité des soins. Pour en comprendre le sens, il est nécessaire de rappeler l’avis du 18 février 2020 pris par le Conseil national de l’Ordre dans lequel ce dernier a qualifié la technique de « micro-kinésithérapie » de méthode illusoire, non éprouvée et non fondée sur les données acquises de la science. Sur ce constat, il relevait que la pratique de la « micro-kinésithérapie » par un masseur-kinésithérapeute, sous quelque forme que ce soit, constituait une dérive thérapeutique et refusait toute reconnaissance de la pratique de micro-kinésithérapie ainsi que le titre de « micro-kinésithérapeute ». Cet avis a été l’objet de contestations puisque une association a engagé un recours auprès de la plus haute juridiction pour en obtenir l’annulation. Elle faisait notamment valoir que les pratiques de « micropalpations » liées à la micro-kinésithérapie étaient assimilables à des massages, (que sont habilités à réaliser les masseurs-kinésithérapeutes) et mettait en avant la parution d’ouvrages et d’articles dédiés à cette technique. Avant de répondre à ces arguments, le Conseil d’État a d’abord affirmé la compétence du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes pour déterminer les qualifications, titres, grades, diplômes et fonctions que les masseurs-kinésithérapeutes sont autorisés à mentionner sur leurs documents professionnels, dans des annuaires et sur leurs plaques. Puis, la juridiction ajoute que le code de déontologie lui confère la même compétence pour déterminer les techniques dont les masseurs-kinésithérapeutes ne sont pas autorisés à se prévaloir, compte tenu de leur caractère illusoire ou insuffisamment éprouvé. C’est dans cette continuité que le Conseil d’État a confirmé la position du Conseil national qui, on le rappelle, considère dans un avis public, que la « micro-kinésithérapie » constitue une technique non éprouvée et non fondée sur les données acquises de la science et qu’elle s’inscrit dans une pratique de dérive thérapeutique. Et pour cause, la juridiction n’a pas retenu les arguments de l’association en répliquant que quand bien même il serait prouvé que la micro-kinésithérapie inclurait des manœuvres de massage, celle-ci pourrait tout de même être jugée comme une technique insuffisamment éprouvée par le Conseil national. Enfin, le Conseil d’État a constaté que si la technique faisait l’objet d’ouvrages et articles, les études scientifiques disponibles n’apportaient effectivement aucune démonstration incontestable de son efficacité thérapeutique. En conclusion, tout masseur-kinésithérapeute qui pratique la micro-kinésithérapie s’inscrit donc dans une pratique qui compromet la qualité et la sécurité des soins et peut engager sa responsabilité disciplinaire. EN BREF Refus d’inscription au Tableau de l'Ordre Le Conseil d’État dans son arrêt n°438163 du 02 avril 2021, a confirmé l’appréciation du Conseil national de l’ordre selon laquelle un professionnel aurait méconnu les conditions de moralité requises pour l’exercice de la masso-kinésithérapie en ayant fourni une déclaration sur l’honneur mensongère à son conseil départemental au moment de son inscription au tableau de l’Ordre. Au regard de ces considérations, ainsi qu’à la nature du passif judiciaire volontairement dissimulé par l’intéressé, le refus d’inscription pouvait dès lors être prononcé par le Conseil national sans commettre d’erreur d’appréciation. Le Conseil d’État renforce ce raisonnement en rappelant que sont sans incidence le fait que ce kinésithérapeute ait fait appel des sanctions prononcées à son encontre par les autorités disciplinaires. Par ailleurs, le Conseil d’État conforte le fait que le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes, en application de la procédure liée au recours contre les décisions d’inscription au tableau de l’Ordre, peut actionner un recours contre une décision d’inscrire un professionnel au tableau de l’Ordre et connaître de ce même recours dans le cadre du pouvoir de réformation de ces décisions dont il est habilité par la loi. Plaintes disciplinaires et principes de droit Dans une décision rendue le 06 mai 2021, le Conseil d’État réaffirme plusieurs principes de droit en matière de plaintes disciplinaires. Il rappelle tout d’abord qu’une chambre disciplinaire est tenue de fonder sa décision sur toutes les pièces et éléments qui sont portés à sa connaissance par les parties, et ce, alors même que la chambre estimerait qu’il s’agit d’éléments obtenus par elle en violation du secret médical. En estimant qu’elle n’avait pas à se prononcer sur une information venue à sa connaissance au cours de l’audience par une des parties, du fait que cette information était apportée en violation du secret médical, le Conseil d’État estime que la chambre disciplinaire a commis une erreur de droit. Puis, dans un second temps, le Conseil d’État souligne qu’une action disciplinaire ne peut être introduite que par les personnes ayant qualité pour le faire. Il s’agit des personnes expressément désignées par la loi ainsi que celles qui sont lésées de manière suffisamment directe et certaine par le manquement d’un masseur-kinésithérapeute à ses obligations déontologiques. C’est sur ces considérations que le Conseil d’État rejette la plainte de l’ex-mari d’une patiente, pourtant motivée par la volonté d’agir en défense des intérêts de celle-ci, sur laquelle le kinésithérapeute aurait exercé une emprise psychologique en usant d’une technique non fondée sur les données de la science au cours de plusieurs séances de soins et avec qui il aurait entretenu une relation intime. La haute juridiction considère que le conflit d’ordre privé lié à cette affaire n’est pas de nature à conférer à l’ex-compagnon plaignant un intérêt à porter plainte contre le kinésithérapeute.
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